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dimanche 16 août 2015

Retrouvailles et cercles vicieux

Il y a quelques semaines, le hasard d'une tâche ménagère m'a conduit à des retrouvailles chaleureuses et anecdotiques. Aussi me suis-je promis, depuis mes derniers articles il y a un an (voir L'histoire d'une tournée à l'intérieur du pays), de relancer le blog en partageant avec vous cette histoire avant de traiter de sujets plus légers dans les semaines à venir.

Tout est parti de ma flemme de faire un ménage complet de la maison. L'on me proposa alors de m'attacher les services d'une Fanico du marché d'Angré. Pour ceux qui "ne sont pas du quartier", il s'agit de jeunes filles qui dès les premières lueurs du jour, attendent sur une place dudit marché, les client(e)s ayant besoin de façon ponctuelle, de personnel pour le ménage ou la lessive moyennant des tarifs "plutôt abordables": à partir 1500 FCFA soit 2,28€ (oui..le blog est émergent ;-))

L'idée me convenait et les choses allèrent très vite.  Le samedi suivant, la proche qui m'avait recommandée cette solution arrive à la maison avec la "fanico".
Au moment de franchir le pas de la porte, la jeune fille m'ayant dévisagé quelques secondes, m'interpelle avec assurance: "c'est Aristide non....? tu te souviens pas de moi ?"
Quelle est cette histoire! me dis-je intérieurement. Une atmosphère inquisitrice s'installe quelques instants...

Sentant ma méfiance, la fille déballe tout: "c'est Bintou! j'ai été nounou chez tes parents entre 2000 et 2002. Tu allais au collège. Et tes 2 petites sœurs là elle vont bien ? ..."

Je vous laisse imaginer la surprise. Près de 15 ans après, je retombe sur cette ex-nounou dont le souvenir se précise au fil de nos échanges.
Pendant plus d'une heure, entre coups de brosses, rinçage et coup de serpillière, elle balance anecdotes sur anecdotes de son passage à la maison. On rigole.

 A la fin du travail (c'est bien de ça qu'il s'agissait à la base), je lui remets le montant convenu 5000 FCFA avec un pourboire de 2000 FCFA. On fait une photo que j'envoie dare-dare à la famille pour partager ces retrouvailles.


Les parents et mes sœurs se souviennent effectivement de la fille et plusieurs questions nous viennent à l'esprit.
Comment 15 ans après son passage chez nous et certainement dans d'autres familles, elle a pu se retrouver sur une place de marché à attendre une pige ménagère ? A t-elle eu l'encadrement ou la formation nécessaire pour envisager la professionnalisation de son travail de ménagère ? Est-ce que ce tarif "plutôt abordable..." que j'ai payé pour un ménage d'environ 1h30 ou les salaires de 20.000 FCFA (30€) par mois qu'on paie généralement aux filles de maisons sont la juste rémunération de ces prestations ? 
Dois-je craindre d'être tombé dans une condescendance déplacée vis à vis de cette travailleuse ou me rendre compte qu'il y a là un cercle vicieux contribuant à sous-valoriser le travail...?


Depuis, Bintou revient une ou 2 fois par mois, pour la même prestation et le même montant. Mais je ne peux m'empêcher de me poser ces questions et me demander ce qu'elle deviendra dans les 15 prochaines années.

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